Si le confinement nous prive cette année de manifestations pour le 1er mai, il ne saurait cependant nous faire oublier l’importance de cette journée internationale pour les droits des travailleurs et des travailleuses. Plus que jamais, le 1er mai s’inscrit dans notre agenda syndical et militant.
La crise d’un système et d’un modèle de société
Le confinement est rendu possible, dans tous les pays où il est pratiqué, par celles et ceux qui continuent à travailler, les invisibles, souvent exploité·e‧s et mal payé·e‧s, celles et ceux qui mettent en danger leur santé pour préserver celle des autres. Nous n’oublions pas que, dans bien des cas, le confinement pratiqué est un confinement de classes.
Évidemment, ce sont d’abord les personnels de santé qui n’ont pas compté leurs heures, leur dévouement. Ensuite il y a tou·te‧s les salarié·e‧s, souvent des femmes, du commerce, de l’agro-alimentaire, du paramédical, du social, du nettoyage, les employé·e‧s de banque, les facteurs et factrices, ainsi que tou·te‧s ces agent·e‧s de la fonction publique qui ont continué d’assurer leurs missions et, plus largement, celles et ceux qui travaillent au service de la population.
Les remerciements adressés par le gouvernement n’ont pas été suivis d’actes forts. Ils ne nous font pas oublier le mépris et la répression qui ont précédé cette crise, l’indifférence aux cris d’alarme lancés depuis des années, les politiques responsables de la dégradation de nos conditions de travail, de la précarisation de nos existences, de la démolition de services publics qui s’avèrent plus que jamais indispensables. Applaudissements et paroles de reconnaissance n’effaceront pas nos colères et ne bâillonneront pas nos revendications.
Plus exactement, cette crise sanitaire est la crise d’un certain modèle de société. Elle met au grand jour les dysfonctionnements d’un système inégalitaire, méprisant les « petits », privatisant ce qui devrait relever des biens communs, indifférent aux questions écologiques, reposant sur une logique individualiste. Cette « crise sanitaire » donne raison aux revendications que nous portons, à nos exigences de justice fiscale, sociale, écologique, de solidarité qui doit se déployer au niveau international…
Plus que jamais faisons entendre nos revendications
Nous refusons que cette « crise sanitaire » concoure au sacrifice des « premiers de corvée ». La poursuite ou la reprise du travail ne peuvent être soumises à des logiques purement économiques, elles ne peuvent avoir pour seul motif la nécessité de sauver les taux de profit. Tout doit être mis en œuvre pour protéger la santé des travailleuses et des travailleurs. Plus que jamais, le droit syndical, le droit de retrait, le droit de grève doivent pouvoir s’exercer.
Plus encore, cette « crise sanitaire » ne doit pas permettre au gouvernement d’anéantir les droits que nous avons conquis : des semaines à 60 heures de travail, la perte des congés, des jours de repos, le travail dominical étendu, les abus sur le télétravail ne sont pas légitimes et ne peuvent durer ! Ce n’est pas aux travailleuses et aux travailleurs, qui paient déjà le prix fort, de supporter le poids économique de cette crise quand les patrons du CAC40 et le monde de la finance sont, eux, épargnés ! Ce n’est pas une prime donnée au bon vouloir de l’employeur (y compris public), une aide ponctuelle aux plus modestes qui suffiront aux travailleuses et travailleurs ! Nous exigeons une revalorisation pérenne des rémunérations, avec des cotisations sociales parce que ce sont elles qui garantissent un système de protection pour tou‧te‧s.
Nous exigeons une société solidaire, sans laissé·e‧s pour compte : vacataires, intérimaires, intermittent·e‧s, services civiques, la précarisation des travailleuses et travailleurs s’est accentuée ces dernières années, et la situation des chômeurs et chômeuses et étudiant·e‧s s’est dégradée. Fragilisé·e‧s par la situation, ils et elles paient un lourd tribut : cette crise sanitaire a mis en lumière l’inhumanité des conditions d’existence qui leur sont imposées. Il en va de même des SDF et des sans-papiers aujourd’hui ignoré·e‧s sur le plan sanitaire et social, ou sur-exploités au travail.
Nous refusons la mise en place d’une société de contrôle, nous privant de libertés essentielles, sous prétexte de crise sanitaire. Si le gouvernement est incapable de débloquer des aides significatives pour celles et ceux qui en ont besoin, en revanche il réussit très bien à mettre en place tous les dispositifs pour contrôler et réprimer la population. S’il est certes nécessaire d’instaurer des mesures pour faire respecter le confinement, il n’est pas tolérable que la situation soit saisie pour développer des systèmes de surveillance, dignes des pires dystopies, onéreux et dangereux pour nos droits. Alors que la priorité devrait être l’approvisionnement en masques, en tests, en matériel de protection, le gouvernement achète des drones et expérimente un traçage des personnes par leur smartphone. Nous n’acceptons pas les réactions autoritaires d’un pouvoir fragilisé qui sanctionne et réprime pour de simples slogans sur des banderoles.
À nous les « Jours heureux »
Dans l’immédiat, il faut prévoir des aides pour les plus démuni·e‧s, des aides à la hauteur de leurs besoins. Elles sont à ce jour insuffisantes. Nous n’acceptons pas que la priorité soit donnée aux grosses entreprises et aux grands groupes, que des cadeaux leur soient faits, quand les plus fragiles ne reçoivent que des miettes. Cette crise impose le rétablissement d’une véritable justice fiscale. Notre pays a les moyens pour affronter le coût de cette crise, il faut aller les chercher là où ils sont !
Si l’on meurt du virus, on meurt surtout du manque d’investissement dans les domaines de la santé et du social, on meurt du démantèlement des services publics, on meurt ou on pâtit du démantèlement du système de protection sociale que nous avons hérité du Conseil National de la Résistance, celui qui nous promettait « des Jours heureux ». Pour que ces « Jours heureux » adviennent enfin, pour qu’ils soient notre horizon, il faut reconstruire ce système de protection sociale, combattre les régressions de l’assurance chômage et de la retraite à points, reprendre le contrôle d’une véritable sécurité sociale.
Enfin, alors que cette crise suscite un délétère nationalisme chez certain·e‧s, nous appelons au contraire à la solidarité avec celles et ceux qui, partout dans le monde, sont exploité·e‧s, sacrifié·e‧s, oublié·e‧s.